1925
Bugatti Brescia Type 22
Roadster
Chassis no. 2461
Moteur no. 879
Vendue au profit de la fondation
Damiano Tamagi Chassis no. 2461
Moteur no. 879
Depuis quelques mois, la voiture proposée ici est devenue l'une des plus célèbres Bugatti de tous les temps après son séjour de plus 70 ans au fond du Lac Majeur en Suisse. La présence de la Bugatti immergée était connue du club de plongée local depuis bien des années, mais en février 2008, un événement tragique allait précipiter le projet de sa récupération. Le 1e février, Damiano Tamagni fut agressé par trois jeunes et battu au point de mourir de ses blessures. Damiano et son père Maurizio étaient tous les deux membres du club de plongée d'Ascona (Centro Sport Subacquei Salvataggio Ascona, CSSS) et l'on décida de renflouer la Bugatti afin d'employer le produit de sa vente au financement d'un projet caritatif institué en mémoire de Damiano, la « Fondazione Damiano Tamagni » en faveur de la lutte contre la violence des jeunes.
Mais comment cette Bugatti était-elle parvenue au Lac Majeur ? Les recherches ultérieures dévoilèrent une grande partie de son histoire. Le 11 avril 1925, le châssis n° 2461 fut immatriculé à Nancy (France) au nom de Georges Paiva, 49 rue des Dominicains, sous le n° 8843 N5. Une petite plaque de cuivre découverte sur la voiture après sa sortie du lac porte le nom de Georges Nielly 48 rue Nollet, Paris, mais la plaque d'immatriculation en partie illisible ne donne que les derniers caractères « RE 1 ». Ce numéro a été émis à Paris entre mai et juin 1930, indiquant peut-être que Georges Nielly a acheté la voiture au début de 1930 à Nancy avant de l'immatriculer à Paris à son nom. Ces plaques d'immatriculation françaises sont ensuite restées sur la Bugatti.
La plaque de châssis est manquante comme l'écusson émaillé du radiateur. À l'exception de ces éléments, tous les numéros spécifiques figurent à leur place habituelle. Le numéro du châssis « 2461 » est sur le bossage arrondi situé sur le support moteur avant droit (du côté du collecteur d'échappement et du boîtier de direction), tandis que le numéro du moteur, « 879 », est visible sur le petit bossage situé sur le dessus et au milieu de la boîte à cames ainsi que sur la face avant du carter inférieur à proximité de la pompe à eau.
La boîte de vitesses porte le numéro « 964 » frappé à l'arrière comme à sa place habituelle sur le couvercle. Le pont arrière n'a pas de numéro, ce qui est normal pour une Bugatti Brescia, mais le rapport « 12 x 45 » est frappé sur le carter central. Le radiateur a été fabriqué par Chausson comme le précise une plaquette juste au-dessus de la manivelle tandis que les deux supports des ressorts arrière comportent encore les petites plaques en laiton mentionnant « EB, Bugatti, Molsheim (Alsace) ». Contrairement aux spécifications d'usine, qui précisent un carburateur Solex, le carburateur qui équipe le moteur est un Zénith en bronze, correct sur ce type de Bugatti. Les deux magnétos (double allumage) de marque SEV sont installées au milieu de la planche de bord comme il est normal sur ce type de voiture. Certaines indications font penser que la carrosserie a été modifiée ou remplacée, la première ayant probablement été une simple caisse de course sans installation électrique, ni ailes. Les jupes sous le capot sont en deux parties, alors qu'elles devraient être en une seule pièce, tandis que les ailes sont légèrement élargies à l'arrière selon une forme inhabituelle en 1925. Ces éléments indiquent probablement qu'une carrosserie modifiée ou nouvelle a été installée à la fin des années 1920.
Jusqu'à présent, il n'a pas été possible de déterminer avec certitude l'identité du propriétaire de la voiture à Ascona. Cependant, l'hypothèse la plus vraisemblable concerne Marco (Max) Schmuklerski, architecte d'ascendance polonaise né à Zurich. On sait qu'il a résidé à Ascona du 17 juillet 1933 au 25 août 1936, date à laquelle il repartit à Zurich. Lors de son séjour à Ascona, il dessina, entre autres bâtiments, la « Casa Bellaria », immeuble résidentiel récemment démoli. Si Marco Schmuklerski étudia l'architecture à la célèbre école des Beaux-Arts de Paris, il est possible qu'il ait acheté la Bugatti à Georges Nielly et qu'il l'ait ramenée en Suisse sans la dédouaner. Il est aussi possible qu'il l'ait achetée à un touriste (ou à un client) français à Ascona. Quoi qu'il en soit, la Bugatti a toujours circulé en Suisse sous plaques françaises et les droits de douanes n'ont jamais été payés. La voiture n'a jamais non plus porté des plaques suisses.
La partie de l'histoire correspondant à la période d'Ascona nous apprend que Marco Schmuklerski partit en 1936 en laissant la Bugatti garée dans la cour d'un entrepreneur en bâtiment local, Bara. Son propriétaire du moment n'est pas connu, mais les douaniers du bureau local qui connaissaient l'existence de la voiture insistaient pour percevoir les droits impayés. À cette date, ces droits se seraient élevés à une somme supérieure à la valeur de la Bugatti, alors âgée de onze ans et bien usée. En cas de non-paiement des droits, la voiture devait être détruite et le moyen le plus simple aurait consisté à l'immerger dans le lac voisin. Pour faciliter sa récupération, la Bugatti fut attachée à une grosse chaîne, mais celle-ci attaquée par la rouille cassa et la voiture plongea au fond du lac à 53 m de profondeur.
Elle devait y demeurer, oubliée, jusqu'au 18 août 1967 lorsqu'un plongeur, Ugo Pillon, découvrit la mythique Bugatti, couchée sur le flanc gauche et en partie enfouie dans la vase. Pillon l'avait cherchée pendant un certain temps et, après sa découverte, la voiture devint un site de plongée favori des membres du club. Le 12 juillet 2009, après un séjour de 73 ans au fond du Lac Majeur, la Bugatti fut finalement sauvée des eaux par Jens Boerlin et ses camarades du club de plongée d'Ascona. Des personnalités locales et des membres du Bugatti Club Suisse y assistèrent et l'événement fut couvert par Renato de Lorenzi de la Television Ticinese (RSI 1) le 23 juillet 2009.
La Bugatti fut transférée sur une remorque au moyen d'une grue et examinée par une foule considérable de curieux. Sa longue immersion dans le lac s'est traduite par une détérioration quasi générale, les pièces en fer ou acier étant notamment très corrodées surtout du côté droit, le plus exposé. Il serait naturellement envisageable de restaurer la voiture, mais on estime généralement que 20 pour cent seulement des pièces originales seraient récupérables. Ou bien une réplique fidèle pourrait être construite sur le modèle de « 2461 » pour un prix sensiblement égal à celui d'une restauration complète. On peut aussi estimer plus judicieux de conserver la Brescia dans son état actuel à des fins d'exposition, mais il appartiendra à l'heureux acquéreur d'en décider.
Sans prix de réserve . (source: www.bonhams.com)
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